Intermittent du spectacle : un statut instable

Intégrer le monde du spectacle en tant qu’intermittent peut révéler différentes difficultés économiques. La complexité de maintenir ce statut est flagrante, tout repose sur les contrats, les droits, et les cachets. Un chemin audacieux, que Julien, 40 ans et intermittent a su dépasser. Il révèle aujourd’hui les dessous du métier. Des propos que Dominique, un technicien du spectacle et membre du syndicat CGT, va nuancer. Rencontre croisée…

  • Depuis combien de temps êtes-vous intermittent ? 

Julien : Je suis intermittent du spectacle depuis 2006 et danseur professionnel. Par la suite, je suis devenu professeur de danse, répétiteur, et chorégraphe. Je baigne dans le monde de la danse mais également du théâtre, je suis comédien en scène et au cinéma.  

Dominique : Je me suis fait connaître dans ce milieu il y a 5 ans, avant j’étais steward. Ce métier m’a passionné pendant des années, j’ai voyagé à l’étranger mais la scène me disait de revenir sur la terre ferme. J’ai donc commencé à signer des petits contrats et c’est grâce à ces derniers que mon réseau dans le monde du spectacle s’est créé. 

  • À quels événements avez-vous participé ? 

Julien : J’ai monté différentes représentations dans les salles de spectacle, à la Philharmonie de Paris, la Villette, Opéra de Paris… J’ai été le chorégraphe du spectacle Clair-Obscur.

Dominique : Faire vivre les danseurs, comédiens, musiciens sur scène a été une opportunité. Je me suis occupé des costumes, décor, structures… de diverses salles de spectacle en France mais également de cirques, le cirque de Bouglione, et le cirque du Soleil

  • Quelles difficultés avez-vous rencontré ? 

Julien : J’ai déjà perdu mes droits, une période de creux pour moi, très difficile à gérer. En 2011 et 2013, deux années, sans droits, je ne pouvais plus signer de contrats, plus de cachets… Je n’avais plus de quoi manger, je suis passé entre les gouttes. Ce métier très individualiste, ne fait pas de cadeau ! 

Dominique : Il y a 2 ans déjà, mais je m’en souviens comme si c’était hier : j’ai fini à la rue, sans logement pendant 1 mois, je dormais dans ma voiture. Une épreuve éprouvante, des difficultés financières pendant des jours, je pensais que je n’allais jamais m’en sortir. L’année 2021 est une année noire, entre angoisse et colère, tous les intermittents sont au plus bas. J’ai notamment perdu 50% de mes revenus mensuels. 

  • Quelles alternatives vous ont permis de rebondir ? 

Julien : L’hôtellerie, la restauration, les bars m’ont sauvé. Je me suis accroché pour continuer à me payer des salles de répétitions. J’estime avoir eu de la chance, entre CDD et CDI, j’ai réussi à remonter la pente. 

Dominique : Mes contacts m’ont apporté un soutien et une aide précieuse. Sans connaissances, impossible de rebondir. Ils m’ont pistonné dans certaines salles, je ne pouvais plus payer de cachets donc plus d’intermittence. Un spectacle me rapportait 105 euros, j’ai su me contenter de ce salaire en attendant de retrouver mon statut. 

  • Que diriez-vous à un jeune, avant qu’il se lance dans l’intermittence du spectacle ?  

Julien : De la persévérance, du sérieux, et être un bon gestionnaire. Si vous avez la passion, le reste suivra. Vous pouvez partir de rien et vous faire une place dans ce monde, mais les indemnités chômage n’étant pas élevées en ce moment, je déconseille de se lancer en cette période de crise sanitaire. C’est inquiétant pour ces jeunes artistes prometteurs qui sont l’avenir de l’art du spectacle vivant. Patienter devient la meilleure option. 

Dominique : Être connu dans le milieu est primordial pour se faire une place rapidement. Ce monde est très compétitif, si vous n’êtes pas à la hauteur, vous allez sombrer dans le désarroi. Vivre de l’intermittence n’est pas donné à tous, il faut avoir de l’expérience. Un intermittent vit souvent dans le stress, l’inconnu, l’ignorance de ne pas savoir ce qui vous attend. Mais l’avantage reste la passion qui vous porte.

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